VIDÉO. Bohin, du fil à l'aiguille
L'unique entreprise française de fabrication d'aiguilles ouvre ses portes depuis le 4 mars et propose au public une visite au sein de l'usine. Reportage.
Par Emilien Lacroix
Au loin, la façade XIXe fraîchement restaurée de la manufacture se dévoile entre les branches des arbres. Tourbillonnant au pied du bâtiment, la Risle laisse apparaître des reflets argentés sous le soleil normand. Les fenêtres entourées de briques rouges laissent entrevoir les ouvriers au travail. Concentrés, ils surveillent avec la plus grande attention leurs machines. La plus récente a cinquante ans, c'est la seule à utiliser un peu d'électronique. Les autres ont plus de cent ans. "Ces machines sont uniques et ont été créées spécialement par Benjamin Bohin, le fondateur de la manufacture", indique fièrement Didier Vrac, président de Bohin France.
Rigueur et minutie
En plein coeur de la Normandie, protégée depuis 1995 au titre de monument historique, la manufacture façonne des aiguilles depuis 1833. Ils étaient 600 salariés en 1914, ils ne sont désormais plus que 40. Un jour, à la faveur d'un reportage télévisé dont l'usine fait l'objet, la direction réfléchit à intégrer un musée au bâtiment, afin de se faire connaître du grand public. Quatorze ans plus tard, c'est chose faite : le visiteur plonge au coeur de l'usine normande et peut, à travers un circuit de visite, connaître son histoire, celle de son créateur Benjamin Bohin et admirer les différentes techniques de fabrication d'une aiguille.
Le circuit est improbable : la visite se déroule à un mètre des ouvriers. Aucune cloison ne sépare le visiteur de l'opérateur. Le bruit, les odeurs, l'ambiance, tout y est. "Sans l'accord des ouvriers, il nous aurait été impossible de mener ce projet à bien", explique Audrey Régnier, directrice de la manufacture. "Ils sont fiers de pouvoir montrer leur savoir-faire." Et du savoir-faire, il en faut pour fabriquer ce petit objet de couture. Pas moins de trois mois et vingt-sept étapes de fabrication sont nécessaires pour que le fil puisse traverser le chas de l'aiguille.
Rêve américain
Exemple avec l'appérissage (rangement des aiguilles dans le même sens, NDLR). En une dizaine de secondes, l'opérateur ordonne en paquet des milliers d'aiguilles entremêlées. "Le geste est le même depuis la nuit des temps. Victor est le seul à le connaître. On a voulu essayer avec un plateau vibrant électrique, mais notre ouvrier était plus rapide", plaisante Didier Vrac. Idem pour la rectitude des aiguilles. Toute la production passe sous l'index d'une seule personne. En faisant rouler l'aiguille sous son doigt, elle peut dire si celle-ci est droite ou pas.
Seule usine de production en France, la manufacture exporte ses aiguilles dans le monde entier, y compris aux États-Unis. "J'ai fait la connaissance d'un commercial new-yorkais que j'ai invité à venir découvrir l'usine. Il est tombé sous le charme du savoir-faire ancestral que nous possédions." Quelques jours plus tard, avant le Salon du patchwork de Minneapolis où Bohin exposait pour la première fois, l'homme donne un conseil à Didier : envoyer une pochette d'aiguilles à mille boutiques américaines. L'effet est immédiat. "C'était une véritable cohue devant le stand. Des centaines d'Américaines voulaient des Bohin. Depuis ce jour, Didier Vrac fréquente trois salons du patchwork par an, dont le célèbre Quilt Market de Houston au Texas.
REGARDEZ la manufacture Bohin : https://www.youtube.com/watch?v=AH-pIvsdGQ8
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