dimanche 15 juin 2014

lundi 16 juin : Les enfants qui ont du plaisir à apprendre réussissent

http://mobile.lepoint.fr/societe/les-enfants-qui-ont-du-plaisir-a-apprendre-reussissent-12-04-2014-1812454_23.php

"Les enfants qui ont du plaisir à apprendre réussissent"

La notation des dictées est en passe de changer. Pour Philippe Meirieu, le système d'évaluation actuel contribue au déclin du plaisir d'apprendre. Explications.

Le ministère de l'Éducation nationale a expérimenté l'application d'un "barème graduel" alternatif pour la correction de quelque 1 500 copies au brevet des collèges en juin.
Le ministère de l'Éducation nationale a expérimenté l'application d'un "barème graduel" alternatif pour la correction de quelque 1 500 copies au brevet des collèges en juin. AFP
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Ne plus seulement sanctionner les fautes, mais aussi mettre en valeur les obstacles surmontés par les élèves : le ministère de l'Éducation nationale encourage sur son site Éduscol les enseignants à changer de méthode de notation pour la sacro-sainte dictée, la traditionnelle soustraction de points étant jugée inefficace. Pour Philippe Meirieu, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Lyon-II et auteur d'un manifeste Le Plaisir d'apprendre (1), il est indéniable que le système d'évaluation des élèves contribue au déclin du plaisir d'apprendre. Il explique au Point.fr pourquoi.
Le Point.fr : Le système d'évaluation actuel contribue-t-il à dénigrer le "plaisir d'apprendre" ?
Philippe Meirieu : Il est en effet extrêmement discutable, puisqu'il incite davantage à bachoter qu'à apprendre véritablement. Un 17/20 en maths peut rattraper un 9/20 en français, c'est absurde ! Comme dans un supermarché, l'élève recherche le meilleur rapport qualité-prix, entre effort fourni et note obtenue. L'utilisation de la note, qui encourage le laxisme, est l'exact contraire de la pédagogie du chef-d'oeuvre, qui incite à l'amélioration et à relever des défis. Une fois la note tombée, l'élève passe à autre chose ; s'il était dans la logique du chef-d'oeuvre, il saurait qu'il peut réussir.
Que faudrait-il faire ?
Il serait bon de quitter le système de valeurs actuel, qui encourage la débrouillardise au détriment de l'exigence. Il faut sortir de la spirale de l'échec, qui est proprement démotivante, et être fier de ce que l'on contribue à construire.
Le plaisir est-il indispensable pour apprendre ?
Les enfants qui ont du plaisir à apprendre réussissent. C'est la jouissance intellectuelle qui aide à réussir en mathématiques, par exemple. Aujourd'hui, les jouissances du corps ont remplacé les jouissances de l'esprit, et l'activité intellectuelle est perçue comme une souffrance, à l'image du sens des expressions "prendre son pied" et "se prendre la tête". Les jeunes ne comprennent pas qu'il puisse y avoir du plaisir dans l'exercice intellectuel : étudier avec pour seule motivation l'obéissance et la soumission ne peut mener qu'à l'échec. Tant que l'on ne montre pas aux enfants que l'apprentissage est aussi une source de plaisir, changer les réformes et les ministres ne fera pas évoluer la situation.
Est-ce une question d'époque ?
Toute la société sous-estime aujourd'hui le plaisir d'apprendre. Il y a une confusion qui s'opère entre "désir de savoir" et "désir d'apprendre". Beaucoup sont convaincus qu'avec le progrès technique, l'apprentissage est du temps perdu. La technique réduit le temps d'apprentissage au minimum. Les enfants baignent là-dedans et privilégient ce que l'on peut avoir tout de suite, sauf dans le cas des jeux vidéo, où ils sont capables de travailler et de mobiliser des compétences. Ce n'est cependant pas exclusivement une question d'époque. Le renversement entre jouissance du corps et de l'esprit est un changement anthropologique majeur de la seconde moitié du XXe siècle.
La faute à qui ?
Les familles ont un rôle essentiel, mais ne sont pas toutes en mesure de faire découvrir le "plaisir d'apprendre". L'école peut le faire. L'apprentissage a toujours suscité un effort, que l'on accepte de faire si on a la promesse d'une satisfaction future ; si le sacrifice d'aujourd'hui permet d'accéder à un plaisir ultérieur plus grand que le poids de ce sacrifice. La société doit promouvoir cela. La fracture sociale s'accroît non seulement pour des raisons économiques, institutionnelles et sociales, mais aussi car le plaisir d'apprendre n'est pas le même dans tous les environnements familiaux. Et quand des inégalités de ce type existent, c'est à l'école de prendre le relais.
Et l'école n'y parvient pas ?
La promesse scolaire s'est émoussée : avant, le travail permettait de gravir l'échelle sociale ; maintenant, l'élève dealer gagne plus que son prof, de même que les Star Ac et consorts permettent de gagner plus que la formation académique. L'appétit du savoir n'est pas que dans "l'après-école", comme du temps où l'on motivait les jeunes d'un "Travaille maintenant pour que ton futur soit plus agréable".
Comment faire pour redonner le plaisir d'apprendre ?
Il faut montrer qu'on retire une satisfaction énorme dans l'apprentissage et la compréhension. L'éducation populaire bascule dans la consommation en renonçant au travail de long terme. Les médias ont leur part de responsabilité aussi, tout comme l'enseignant, qui doit être, dans son rapport au savoir, quelqu'un qui prend plaisir à savoir et à expliquer. Quand un enfant voit la passion en face de lui, il a davantage envie d'apprendre. Il ne faut pas transmettre le savoir, mais transmettre l'amour du savoir, en effectuant éventuellement des détours par l'histoire, par les enjeux culturels... Les enseignants ne sont pas suffisamment formés à la pédagogie, mais sans doute cela va-t-il changer avec les nouvelles Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé).

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