mercredi 26 juin 2013

Mercredi 26 juin 2013 : un parcours intéressant et des idées

Chenva Tieu, un Chinois à Paris

Déclaré inéligible pour un an par le Conseil constitutionnel, l'UMP Chenva Tieu est contraint de renoncer à la primaire. Portrait d'un politique atypique.

Photo d'illustration
Photo d'illustration Sipa Press
Chenva Tieu ne se considère pas comme "un professionnel de la politique". Contrairement à ses anciens concurrents aux municipales UMP à Paris qui, dit-il, ont une "dépendance statutaire et alimentaire" à leur fonction. Le voilà contraint de se retirer des municipales UMP à Paris en raison de l'invalidation par le Conseil Constitutionnel de ses comptes de campagne pour les législatives 2012. Mais à l'entendre, cela ne relève en aucun cas de l'amateurisme. Il préfère évoquer un coup du destin et "la lenteur de la bureaucratie française" : après la mort de son mandataire, il a dû fournir une attestation de décès, clôturer son compte de campagne puis en ouvrir un nouveau. Résultat, explique-t-il, des dizaines de jours perdus et des créances d'une valeur de 4 600 euros qu'il a été obligé de régler lui-même, ce qui est formellement interdit lors d'une campagne. Avant de se lancer dans les municipales, il a d'ailleurs consulté trois avocats qui ont tous considéré que "le risque de condamnation était "raisonnable, voire minimum".

Le candidat malheureux refuse de jouer les victimes et d'invoquer la théorie du complot. Mais il évoque tout de même des ennemis à l'extérieur et surtout à l'intérieur de sa famille politique : "À l'UMP, tout le monde sait que je suis favorable au mariage pour tous. J'ai été hué, écarté, défoncé dans les médias." Ou encore, faisant allusion à son homosexualité et ses origines asiatiques : "On m'a accusé de communautarisme parce que je me suis présenté dans le 13e (un quartier à forte immigration asiatique, NDLR) et que je suis favorable au mariage gay." Mais avant de se lancer en politique, Chenva Tieu explique s'être préparé à "se faire essorer mentalement". Heureusement pour lui, "la flèche ne rentre pas dans la chair". Et puis Chenva Tieu n'est pas non plus un novice, même s'il se défend d'être une "marque" comme NKM ou Rachida Dati. Lorsqu'il se présente aux législatives dans la dixième circonscription parisienne, il obtient plus de 35 % des voix, le meilleur score de l'est de la capitale. Sa martingale politique, il la tire de son expérience d'entrepreneur : "Je veux bien qu'on parle des crèches, mais ce n'est pas le plus important. Moi je veux parler de renouveau économique." En chinois, faire affaire se dit "tripoter avec la vie". Il poursuit : "La mobilité, c'est le mouvement. Le mouvement, c'est la vie. Et la vie, c'est la croissance." Puis il éclate de rire : "C'est mon côté chinois !"

"J'ai appris le français par téléchargement"
Des vies, Chenva Tieu en a eu plusieurs. Celle de migrant d'abord. Chassé du Cambodge par les Khmers rouges, il rejoint la France avec sa mère à l'âge de 12 ans. Il commence alors à "planter ses racines dans la terre de France". Il loge dans les tours du 13e et goûte pour la première fois à la pauvreté. S'il reconnaît avoir "toujours grandi dans l'amour", il vit douloureusement cette période de sa vie : "Ma mère, la troisième femme de mon père, qui n'avait jamais eu besoin de travailler, a commencé à faire la plonge. Je voyais ses doigts et ses mains souillés par une réalité quotidienne difficile." Il découvre également l'école et les joies de la langue française qu'il a eu beaucoup de difficultés à apprendre. Il doit son salut à un professeur d'histoire-géographie qui vient le voir à la fin du cours pour lui suggérer une méthode : "Tu es vraiment nul. Tu vas apprendre tes cours par coeur." "J'ai appris le français par téléchargement et j'ai eu des notes exceptionnelles à partir de ce moment-là", explique-t-il. Il a également connu la bourgeoisie parisienne. Lorsque son père, dirigeant d'entreprise, le rejoint en France, il achète une pizzeria avenue Hoche pour la transformer en restaurant chinois. "J'ai appris les codes implicites, silencieux. Comment se tenir à table, les week-ends à la campagne. Je fréquentais deux mondes..."

En pleine période de révision pour le bac, il subit un électrochoc. Voyant passer ses camarades avec des enveloppes kraft entre les mains, il demande à l'un d'eux à quoi elles servent. Il découvre alors un nouveau monde : les inscriptions aux études supérieures. "J'ai vécu comme une injustice de ne pas avoir été informé des modalités d'inscriptions", raconte-t-il. Il est pourtant reçu à l'université Paris-Dauphine grâce à une mention bien au bac, puis commence une carrière d'entrepreneur dans les services financiers et la production audiovisuelle qu'il réussit avec brio. Chenva Tieu devient riche.

"Il n'y a pas de renouvellement des élites en France"
Son père meurt en 1995 d'une longue maladie et sa mère en 2000 d'une rupture d'anévrisme. L'entrepreneur ne parvient pas à faire son deuil et se réfugie dans le travail. En 2004, il décide de vendre une de ses sociétés et pour "décélérer", dit-il. Il va alors se consacrer à des activités associatives et prendre une revanche sur l'ostracisme qu'il a subi à l'école : il crée "Les entrepreneurs de l'excellence" pour inciter les adolescents à se tourner vers des filières sélectives, préside la chaire Management et diversité de son ancienne université et crée le Club du XXIe siècle, qui rassemble l'élite républicaine issue de la diversité : "Il n'y a pas de renouvellement des élites en France. 400 personnes ont les manettes du CAC 40, de la politique et des médias", déplore-t-il. Pourtant, après avoir participé aux régionales de 2010 avec Valérie Pécresse, lorsque Jean-François Copé lui demande quel rôle il veut jouer à l'UMP, il répond : "Tout sauf la diversité." Le voilà donc chargé de s'occuper des relations avec l'Asie. 

Depuis la mort de ses parents, il passe d'ailleurs beaucoup de temps dans cette région du monde dont "la croissance peut être profitable à la France". Et se consacre à tout ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire auparavant. Sur les conseils d'un ami, il se lance dans la rédaction d'un livre : "Je rentrais de boîte, bourré à 4 heures du matin et j'ai commencé à écrire n'importe quoi. Ça a commencé par une conversation posthume entre moi et mon père et ça a donné ça (il montre son livre, NDLR) : Manuel de chinoiseries à l'usage de mes amis cartésiens. Selon lui, la France a encore beaucoup à apprendre de la Chine "qui possède une supériorité mentale, car elle pratique naturellement le triptyque passé-présent-futur en s'appuyant sur sa civilisation, son poids économique et le rang qui sera le sien dans le concert des nations". Il poursuit : "La France a la possibilité de pratiquer le triptyque. Elle peut s'appuyer sur la richesse de son passé. Sur sa cinquième place mondiale au niveau économique. Mais elle a plus de mal à élaborer son futur." 

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