vendredi 23 mai 2014

mardi 27 mai : "Ils sont atypiques, ultra-créatifs et ont moins de 30 ans, et veulent changer le monde"

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/28/elites-3-0_4391246_651865.html et http://www.lemonde.fr/technologies/visuel/2014/03/28/sandbox-le-reseau-des-elites-connectees-qui-veulent-changer-le-monde_4385947_651865.html

Elites 3.0



Victoria Gandit Lelandais (Sandbox)
Victoria Gandit Lelandais (Sandbox) | Victoria Gandit Lelandais

A 9 ans, Chief Nyamweya se retrouve dans une ferme à l'extrême ouest du Kenyaoù ses parents quadras s'improvisent agriculteurs, en pleine débâcle économique, pour nourrir leurs cinq enfants. Deux décennies plus tard, Chief Nyamweya est avocat, artiste-illustrateur et fondateur de Tsunami, studio de Nairobi qui produit des films d'animation.

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A 17 ans, Bel Pesce remplit un carton d'objets résumant sa vie avant de sonnerchez un diplômé brésilien du Massachusetts Institute of Technology (MIT), forçant le destin pour être admise dans « l'université de es rêves ». Neuf ans plus tard, diplôme en poche, une start-up revendue des millions de dollars et un livre téléchargé par 2 millions de Brésiliens, elle a créé une école, en novembre 2013, dont les cours sont déjà suivis par 25 000 internautes.
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A 3 ans et demi, Marita Cheng et son frère quittent Hongkong pour Melbourne, où leur mère, femme de chambre, bénéficie du programme de logement pour les sans-abri. Vingt ans plus tard, Marita Cheng est élue, en 2012, « jeune Australienne de l'année » pour la création de Robogals, organisation internationale rassemblant seize universités qui encourage l'engagement des femmes dans les études scientifiques. Elle dirige aujourd'hui une start-up de robotique.
Rien ne prédestinait Chief Nyamweya, Marita Cheng et Bel Pesce à se rencontrer. Et, pourtant, tous trois sont liés, membres d'une même « famille » mondiale dénommée Sandbox, littéralement le « bac à sable ». Un réseau de 1 100 personnes triées sur le volet que 25 000 jeunes de moins de 30 ans ont déjà tenté d'intégrer, sans succès. Fondée par quatre Suisses et un Allemand en 2008, la communauté s'affiche sur le Web en anglais, annonçant « Sandbox is a mobile society of the world's most extraordinary young game changers »Comprendre de jeunes créatifs à haut potentiel, qui veulent changer le monde à coups de projets innovants.
Voir aussi le visuel interactif
Entrepreneurs, médecins, artistes, sportifs… les profils les plus divers sont recherchés. Plusieurs centaines d'entre eux ont d'ailleurs, avant ou depuis leur « sandboxisation », donné des conférences TED (Technology, Entertainment and Design) le Graal d'un créatif. Point de catalogue en ligne, mais point de culte du secret non plus, certains s'affichant « sandboxers » sur leur compte Twitter. Et tous réseautent intensément en postant des messages sur leur page Facebookprivée. Une application maison devrait, dans quelques semaines, leur permettrede communiquer et de se géolocaliser en toute tranquillité.
DES PERSONNALITÉS ATYPIQUES
« Sandbox est un accélérateur de sérendipité. Nous étions faits pour nousrencontrer », explique Rand Hindi, Français d'origine libanaise brassant actuellement des big data. « Les sandboxers n'entrent pas dans les moules et, avec eux, je n'ai pas honte de parler de mes idées folles. Nous nous inspirons mutuellement. » Des personnalités atypiques sachant diverger – être créatives – et converger – en faire quelque chose dans le système –, qui trouvent là des compagnons de jeu planétaires. « J'ai beaucoup d'idées, je suis difficile à suivre et j'ai toujours été un peu seule. Il y a deux ans, j'avais quelques amis. Maintenant, j'ai l'impression d'en avoir 1 000 », explique Mykim Dang, directrice de création d'une boîte techno à Boston mais aussi designer de skateboards.
Fulgurant parcours pour cette organisation d'à peine six ans. Antoine Verdon, désormais investisseur à Zurich, se rappelle : « Nous étions cinq amis, Nico , Fabian , Séverin , Christian et moi, explique-t-il. La vie nous a un peu éloignés et nous avons découvert que s'être connus très tôt permettait de nous entraider à distance. Nous avons voulu élargir le cercle. » La bande organise alors des dîners de recrutement. « A l'évidence, certaines personnes ajoutaient de la valeur dans les conversations, d'autres moins », se souvient-il. D'où, très vite, des critères de sélection : « Nous cherchions des personnes porteuses de projets, créatives, ambitieuses, avec des parcours et des origines les plus diverses possible. »Antoine Verdon reste en Suisse, les autres partent à Londres, aux Etats-Unis et àSingapour… lançant, en 2009, l'internationalisation du « bac à sable » « lieu d'expérimentation, informel, toujours en construction », précise-t-il pour expliquerle nom du réseau désormais présent dans trente-cinq métropoles, appelées « hubs ».
UN « WOW PROJECT »
Empiriquement, un prérequis plus informel est édicté. « No ashole . Une façon d'écarter des gens qui veulent bénéficier du réseau sans rien apporter », ajoute Antoine Verdon. A Paris, par exemple, « les candidats potentiels sont invités pendant six mois aux réunions. Les ego-centrés qui la ramènent tout le temps ne passeront pas le filtre. Les sandboxers deviennent naturellement des potes »,explique Cécile Monteil, ambassadrice parisienne, chargée, comme une centaine d'autres dans le monde, d'animer et de faire croître le réseau à coups de réunions mensuelles et de week-ends annuels. Avec déjà un petit côté club de rencontre 3.0 : deux bébés estampillés Sandbox ont déjà vu le jour.
Une fois par an, la porte s'ouvre aux candidatures extérieures. « Vous avez moins de 30 ans, vous avez montré de l'excellence dans votre domaine, vous voulezavoir un impact positif sur le monde par votre travail et vos projets », explique le formulaire accessible en ligne. Si les réponses du candidat sont acceptées par le siège londonien, l'impétrant doit alors réaliser un « wow project » (prononcer « waou ») pour expliquer « quelles sont ses valeurs, pourquoi c'est un bon recrutement », explique Alexandre Terrien, un des trois sandboxers à plein temps qui coordonnent le réseau depuis Londres.
Pour son « wow », Victoria Lelandais, Française qui travaille pour la foire d'art contemporain Art Dubai, a ainsi présenté un projet dans un camp palestinien. « Dix jours d'atelier de peinture avec des enfants afin de repeindre leurs murs vétustes. Le matériel est resté à l'école, l'opération se poursuit cette année »,explique-t-elle. Pour inspirer les candidats, un tumblr donne des exemples (Sandboxwows.tumblr.com). L'organisation a accueilli 190 nouveaux en 2013 et devrait dépasser les 400 recrues supplémentaires cette année, précise Alexandre Terrien. Ce dernier prépare pour cet automne, au Costa Rica, un « Woodstock de l'innovation » qui rassemblera des centaines de membres.
Ce réseautage entre soi ouvre évidemment des portes. Kashuo Bennett, architecte sandboxer de Washington, s'attendait à prendre une année sabbatique en suivant son épouse, historienne au Kenya. « Quelques semaines après mon arrivée, j'ai commencé à travailler sur des films 3D dans le studio de Chief Nyamweya. » Kyra Maya Phillips, auteur britannique, voulait s'approcher de Lady Gaga pour un projet de livre, c'est chose faite grâce au réseau. Mark Kaigwa, blogueur star au Kenya et consultant de 26 ans, reconnaît : « C'est mon statut de premier ambassadeur Sandbox en Afrique qui m'a ouvert les portes de l'African Leadership Network », prestigieux rassemblement de l'élite africaine.
CERTAINS SANDBOXERS SONT DES CUMULARS
La planète bouillonne de clubs de cerveaux prometteurs, terrains de recrutement des multinationales qui financent de grands sommets et des « projets » innovants. Comme le « One Young World » lancé par David Jones, l'ancien dirigeant deHavas, ou le « Youth Program » de l'Open Innovation Forum, en Russie.
Certains sandboxers sont d'ailleurs des cumulars. Rand Hindi appartient ainsi aux Global Shapers (club des moins de 30 ans identifiés par le World Economic Forum de Davos) mais aussi au réseau d'entrepreneurs high-tech Kairos Society.« Nous sommes environ 5 000 à nous retrouver un peu partout. Mais rien ne ressemble à Sandbox », note l'auteure Rahaf Harfoush, syrienne et canadienne, ambassadrice mondiale de Sandbox mais aussi vice-curatrice des Global Shapers. « Les sandboxers savent tous qu'ils ont fait des choses exceptionnelles, mais ils veulent construire avant tout des liens. »
A l'opposé des clubs instaurés par des élites établies, Sandbox organise l'émulation entre soi. Sur la page Facebook, une centaine de messages postés par jour : des demandes de conseils, d'avis sur un projet, de mises en contact… Rahaf Harfoush se souvient : « Fabian m'a recrutée en disant : “Qu'est-ce qui se passerait si les gens qui vont gouverner le monde s'étaient rencontrés non pas à 42 mais à 22 ans ?” » Le véritable « rosebud », en fait, du réseau.
ÊTRE ADOPTÉ AVANT L'ÂGE FATIDIQUE
La centaine d'ambassadeurs vient de se réunir sur la très select Osea Island (île sans Internet) pour gamberger sur le business model afin de pérenniser le réseau financé principalement par des business angels. Les pistes ? Une cotisation, du conseil auprès des entreprises… Certains membres ayant cette année 30 ans, il a aussi été décidé que l'on restait sandboxer à vie. Il faut juste être adopté avant l'âge fatidique.
Ce développement organique, mondial et horizontal (les pairs servent de recruteurs) est certes caractéristique d'un XXIe siècle numérique, mais « tout a changé, rien n'a changé », remarque la sociologue Stéphanie Grousset-Charrière, auteure de La Face cachée de Harvard (La documentation française, 2012). « Avec Internet, l'échelle est radicalement différente. A Harvard, ce sont des chasseurs de têtes qui identifient les personnes à haut potentiel. Ici, ce sont les membres de Sandbox eux-mêmes, un recrutement qui apporte une certaine démocratisation et plus de brassage. . Mais la finalité est toujours de créer un réseau d'entraide et d'influence, note-t-elle. Quel que soit le siècle, les élites ont toujours un instinct quasi grégaire, animal. Elles ont envie de l'entre-soi en quête d'effervescence intellectuelle. »
Quand deux sandboxers se rencontrent, le hug – l'accolade – est un rite. Un quotidien suisse les a déjà qualifiés de « francs-maçons de l'innovation ». Cécile Révauger, spécialiste des diverses franc-maçonneries, pointe les différences. Chez les francs-maçons, « l'âge n'est pas un critère, l'attachement à la tradition est aussi important que le désir d'améliorer l'homme et la société, on respecte le secret et on a une certaine méfiance envers l'élitisme ». Pour autant, cette spécialiste reconnaît de vrais points communs. « Les francs-maçons sont des héritiers du XVIIIe, le siècle des Lumières. Ils ne se cachaient pas, avant que lepouvoir catholique ne les stigmatise, note-t-elle. Ils étaient alors peu nombreux et étaient les futurs leaders, les personnes les plus brillantes, sortant de l'ordinaire. Ils se recrutaient par cooptation à New York, Paris. »
Le « bac à sable » n'en est pas loin, une révolution numérique plus tard.

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