jeudi 24 octobre 2013

Jeudi 24 octobre : Nobel d'économie / La théorie des marchés efficients s'est dissoute dans l'incertitude et l'irrationalité

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Le Nobel d'économie couronne trois Américains pour leurs travaux sur les marchés financiers

Le Monde.fr avec AFP et Reuters |  • Mis à jour le 
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Les trois prix Nobel d'économie 2013 : Eugene F. Fama, Lars Peter Hansen et Robert J. Shiller. | TT NEWS AGENCY/REUTERS
Le prix Nobel d'économie 2013 a été décerné lundi 14 octobre aux Américains Eugene Fama (université de Chicago), Lars Peter Hansen (université de Chicago, également) et Robert Shiller (université Yale, dans le Connecticut) pour leurs travaux sur les marchés financiers.
"Les lauréats ont posé les bases de la compréhension actuelle des prix des actifs. Celle-ci repose en partie sur les fluctuations du risque et les attitudes envers le risque, et en partie sur les biais comportementaux et les frictions des marchés",souligne l'Académie royale des sciences de Suède.
S'il est impossible de prédire le prix des actions et des obligations pour les prochains jours et semaines, grâce aux travaux de Fama, Hansen et Shiller, "il est tout à fait possible de prévoir le cours général de ces prix sur de longues périodes, comme dans les trois à cinq prochaines années", relève l'Académie dans son communiqué.
Les trois lauréats n'appartiennent pas à la même école de pensée : les deux premiers sont des néoclassiques – qui postule notamment la rationalité des agents économiques –, quand le troisième est un tenant de la finance comportementale – qui estime, en revanche, que la rationalité des agents économiques n'est pas systématique.
  • Eugene Fama, 74 ans :
Né à Boston, il a obtenu son doctorat à l'université de Chicago, temple de l'économie néoclassique à laquelle il est resté fidèle. Il est l'un des économistes les plus cités par ses pairs pour ses travaux "sur la relation entre le risque et le rendement et ses implications pour la gestion de portefeuille", selon son université.
Avec un collègue, Kenneth French, il est à l'origine d'un modèle pour décrire les rendements des actions. Eugene Fama donne aussi dans la pratique avec un poste de consultant pour une société de conseil en investissement, Dimensional Fund Advisors. Il a une réputation d'homme inébranlable dans ses convictions libérales, et en 2010, dans un entretien avec le New Yorker, il défendait l'idée que la grande crise des années 2008-2009 n'avait pas pour origine le marché immobilier, pas même les bulles spéculatives sur les marchés, mais les cycles économiques. "Le reste du monde s'est converti à la notion selon laquelle les marchés sont plutôt bons pour allouer les ressources", disait-il, argumentant contre la régulation publique.
  • Lars Peter Hansen, 61 ans :
Né à Champaign dans l'Illinois (nord des Etats-Unis), 61 ans, a obtenu son doctorat à l'université du Minnesota en 1978. Depuis 1990 il est à l'université de Chicago. Mathématicien accompli, il est un auteur de référence en économétrie grâce à un modèle statistique sur l'adaptation des agents économiques dans leurs décisions financières aux changements d'environnement.
Néoclassique, il a publié quatre livres, dont un avec le Nobel d'économie 2011 Thomas Sargent. Des trois lauréats 2013, il est le plus discret médiatiquement et le moins connu.
  • Robert Shiller, 67 ans :
C'est le plus connu des trois, s'exprimant régulièrement à la télévision sur l'état de l'économie américaine. Professeur d'économie et de finance à l'université de Yale, il est né à Detroit en 1946. En 2011, il était considéré comme l'une des 50 personnalités les plus importantes du monde de la finance, selon Bloomberg. Après avoir obtenu son doctorat au Massachusetts Institute of Technology à Boston, il s'est spécialisé dans l'étude des marchés financiers et des comportements des différents acteurs et du public sur et vis-à-vis de ces marchés.
Pionnier de la finance comportementale, il estime que la rationalité des individus n'est pas systématique, contrairement à l'école néoclassique. M. Schiller a conçu un indice sur les prix de l'immobilier aux Etats-Unis, appelé Case-Shiller, qui est publié chaque mois par l'agence d'évaluation financière Standard and Poor's. Cet indice a appuyé sa démonstration selon laquelle le secteur financier américain avait alimenté une bulle spéculative et risquait une catastrophe, qui s'est effectivement produite en 2007-2008 pendant la "crise des subprime". Son livre "L'Exubérance irrationnelle" (2000), dont le titre reprenait une formule célèbre du président de la Fed (Réserve fédérale américaine) Alan Greenspan, a été un grand succès de librairie.
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Le Nobel d'économie, officiellement dénommé "prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel", est le seul qui n'a pas été prévu dans le testament de l'inventeur de la dynamite. Il a été institué en 1968 par la Banque centrale de Suède et décerné pour la première fois en 1969. D'une valeur de 8 millions de couronnes (910 000 euros environ), il clôt la saison des Nobel.
Depuis son attribution, le prix Nobel d'économie récompense en majorité des universitaires américains, issus de Chicago, Princeton et Berkeley.

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La théorie des marchés efficients s'est dissoute dans l'incertitude et l'irrationalité

LE MONDE ECONOMIE |  • Mis à jour le 
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Selon la théorie des marchés efficients, développée par l'économiste Eugène Fama dans les années 1960, comme pour celle des anticipations rationnelles, lancée par John Muth, puis développée par Robert Lucas (Nobel d'économie 1995) dans les années 1970, les acteurs économiques adoptent un comportement rationnel afin de maximiser leurs intérêts. Leur interaction aboutit spontanément à un équilibre optimal, exprimé par le prix d'échange sur les marchés. Ces comportements, modélisés, deviennent prédictibles. L'industrie financière a ainsi bâti des produits toujours plus complexes, usant des mathématiques pour calculer le risque inhérent aux comportements des acteurs.
Il convient par conséquent de libérer les marchés des limitations réglementaires existantes, afin de leur permettre de parvenir à leur équilibre naturel sans distorsion ni contrainte.
Les crises financières depuis les années 1980 ont montré que le comportement des acteurs pouvait être irrationnel, voire aller contre leurs intérêts. L'analyse de ces divergences à la théorie a ouvert la voie à l'économie "comportementale" (Gary Becker, université de Chicago, Nobel 1992 ; Daniel Kahneman, Princeton, Nobel 2002 ; George Akerlof, Berkeley, Nobel 2001), ou aux concepts de "marchés imparfaits" et d'"asymétrie d'information" (Joseph Stiglitz, Columbia, Nobel 2001). Elle a aussi guidé les politiques de régulation, y compris celles proposées aujourd'hui : le bon fonctionnement des marchés exige la transparence de l'information afin que les acteurs puissent agir rationnellement.
Le fait que les crises précédentes aient été surmontées a semblé valider la théorie : ce sont les distorsions par rapport à la théorie, et non la théorie elle-même, qui en étaient responsables.
Mais, aujourd'hui, l'ampleur de ces distorsions amène certains économistes à changer d'approche. Pour Roman Frydman (université de New York) et Michael Goldberg (New Hampshire), auteurs d'Imperfect Knowledge Economics (2007, Princeton University Press), le processus de fixation des prix par le marché est par essence irrationnel et le comportement des acteurs intrinsèquement contingent. C'est cette double incertitude qui permet d'ailleurs le profit, c'est-à-dire le gain des uns au détriment des autres.
Adair Turner, président de la FSA (Financial Services Authority, l'autorité britannique de régulation des marchés), explique que, puisque le marché ne peut atteindre l'équilibre optimum, c'est au régulateur de fixer les limites de son utilité sociale. Des instruments de réduction de la liquidité tels que le renforcement des fonds propres sur les marchés les plus liquides, la taxation des transactions ou le contrôle des flux financiers, ne doivent plus être considérés illégitimes.
Sheila Dow (université de Stirling, Grande-Bretagne) réaffirme après Keynes qu'il n'y a pas de prix juste, mais un prix conventionnel fixé par le rapport de forces entre acteurs et le cadre institutionnel, et que les comportements peuvent être guidés par les sentiments, ou des conditions historiques, culturelles et sociales.
Le principe de fonctionnement des marchés, ajoute-t-elle, est la confiance, en ceci qu'avoir confiance évite d'avoir à se poser la question de la rationalité de ses choix en comptant sur la fiabilité, voire l'altruisme, des autres acteurs et des institutions. Le rôle du régulateur est donc de construire la confiance dans la solidité des institutions et dans la certitude que l'intérêt général reste bien l'objectif final de son action.
Par Antoine Reverchon

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