jeudi 17 octobre 2013

Mercredi 16 octobre : Malala reçoit le prix Sakharov du Parlement européen

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Malala reçoit le prix Sakharov du Parlement européen

Les présidents des groupes politiques du Parlement de Strasbourg ont choisi d'honorer l'adolescente de 16 ans, cible il y a un an d'un attentat des talibans.

La militante pakistanaise pour l'éducation, Malala Yousafzaï, le 27 septembre, lors d'une présentation à l'université Harvard, aux États-Unis.
La militante pakistanaise pour l'éducation, Malala Yousafzaï, le 27 septembre, lors d'une présentation à l'université Harvard, aux États-Unis. Jessica Rinaldi / Sipa
Les présidents des groupes politiques du Parlement européen ont choisi jeudi à l'unanimité d'honorer la jeune militante pakistanaise pour le droit à l'éducation Malala Yousafzaï, aujourd'hui âgée de 16 ans, cible il y a un an d'un attentat des talibans pakistanais pour avoir milité en faveur de l'éducation des filles. Malala, dont le nom est également cité pour le prix Nobel de la paix annoncé vendredi, est invitée à venir recevoir le 20 novembre à Strasbourg le prix Sakharov, qui récompense chaque année un défenseur des droits de l'homme et de la démocratie. Malala Yousafzaï s'était fait connaître auPakistan en dénonçant le régime imposé par les talibans dans sa vallée de Swat, région du nord-ouest du Pakistan, sous l'emprise des insurgés du TTP de 2007 à 2009.

Propulsée symbole mondial de la lutte contre l'extrémisme, elle revient, dans son autobiographie publiée cette semaine, sur cette période sombre de l'histoire du nord-ouest pakistanais et sur l'attaque des talibans dont elle est sortie vivante in extremis. "Quiconque vend ce livre sera visé par les talibans", a menacé le porte-parole de la rébellion islamiste convié à des pourparlers de paix par le gouvernement d'Islamabad. Des exemplaires du livre sont disponibles dans des librairies au Pakistan.

"Moi Malala", publié dans plus de 5 langues
Long voile traditionnel tombant sur ses cheveux brun foncé, joues rondes et teint hâlé, regard franc et lumineux, voix flûtée, Malala a vu sa vie basculer il y a un an, le 9 octobre, à Mingora, capitale de sa vallée natale de Swat, joyau naturel du nord-ouest pakistanais. Ce jour-là, deux tueurs talibans font irruption à l'arrière du petit bus qui la ramène de l'école. Après avoir demandé laquelle des jeunes filles présentes était Malala, le premier lui tire une balle dans la tête à bout portant. Le projectile ricoche sur le coin gauche du crâne et ressort par la nuque. Dans le coma, entre la vie et la mort, l'adolescente est évacuée dans un hôpital de Birmingham, en Angleterre, où elle a reprend conscience six jours plus tard.
"Où étais-je ? Qui m'avait amenée ? Où étaient mes parents ? Mon père était-il encore en vie ? J'étais terrifiée. La seule chose que je savais, c'est qu'Allah m'avait bénie en m'accordant une nouvelle vie", raconte l'adolescente dans Moi, Malala, best-seller annoncé publié cette semaine dans plus de cinq langues. Son histoire a bouleversé une partie de l'opinion publique à travers le monde, mais aussi secoué son Pakistan natal, en partie gangrené par l'extrémisme.

Son premier blog sur la BBC à l'âge de 11 ans
Elle commence en 2007, lorsque les rebelles islamistes fondamentalistes talibans du Maulana Fazlullah imposent leur loi dans la vallée de Swat, jusque-là paisible région touristique. Soutenus au départ par une partie de la population déçue par l'inefficacité de l'État, les talibans finissent par se l'aliéner, notamment en assassinant leurs opposants et en empêchant les filles de se rendre à l'école.

Du haut de ses 11 ans, Malala, fille de Ziauddin, militant pacifiste et directeur d'école dont elle est très proche, et d'une mère illettrée, alimente un blog publié sur le site de la BBC en ourdou, la langue nationale. Sous le pseudonyme de Gul Makai, elle y décrit le climat de peur régnant dans sa vallée et sa privation d'école par les talibans. Le nom de cette gamine pleine de sang-froid, très bonne élève amoureuse des livres et du savoir, commence à circuler à Swat, puis dans le reste du pays lorsqu'elle remporte le premier prix pakistanais pour la paix.
Les talibans, délogés de la vallée par l'armée en 2009 mais toujours menaçants, décident alors d'éliminer celle qu'ils accusent de véhiculer "la propagande occidentale" contre eux. L'attaque contre cette écolière de 15 ans à l'époque aura l'effet inverse du but recherché : elle choque au Pakistan et à l'étranger, notamment en Occident où elle devient une star. Depuis, celle qui vit aujourd'hui avec sa famille à Birmingham n'en finit plus d'accumuler les prix internationaux (Anna Politkovskaïa, Fondation Clinton, Amnesty International...).

Hyper-médiatisation en Occident
De David Beckham à Angelina Jolie, on ne compte plus les célébrités qui se sont affichées avec elle. Portrait exposé à la National Gallery de Londres, autobiographie, tee-shirts à vendre en ligne : un an après l'attaque, Malala est partout. Mais son hyper-médiatisation en Occident ne plaît pas à tout le monde, notamment dans son Pakistan natal, déchiré par les violences et les soubresauts de l'interminable conflit dans l'Afghanistan voisin, très proche de Swat.
Dans ce pays conservateur de 180 millions d'habitants abonné aux théories du complot, Malala n'échappe pas à la règle. Les cercles islamistes voient en elle, comme en son père accusé de la manipuler, un "agent des États-Unis" ou "de l'Occident" créé de toute pièce pour corrompre la jeunesse et propager une culture anti-islamique. "Si tu avais été la cible d'une attaque d'un drone américain, est-ce que le monde entier se serait soucié de ton état de santé ?" écrivit ainsi cet été Adnan Rashid, un commandant taliban pakistanais, dans une lettre à Malala.

"Aucune haine envers le taliban" qui l'a attaquée
L'adolescente, dont le coin de la bouche demeure paralysé depuis l'attaque, répond toujours avec dignité à ses détracteurs, affirmant, comme cet été au siège de l'ONU, que "la plume est plus forte que l'épée", et qu'elle ne ressent "aucune haine envers le taliban" qui l'a attaquée. L'adolescente qui aime les films de Bollywood, la série américaine Ugly Betty et les beignets de poulet, dit rêver de devenir un jour femme politique au Pakistan. Mais, plus que jamais menacée par les talibans, pourra-t-elle un jour seulement rentrer dans son pays natal ? Lors de son discours à l'ONU, elle portait avec émotion un châle ayant jadis appartenu à Benazir Bhutto, la seule femme à avoir été Premier ministre du Pakistan, où elle fut assassinée à la fin 2007, peu après son retour d'exil.

Selon les talibans pakistanais, qui menacent encore de la tuer, l'adolescente "n'a rien fait" pour mériter le prestigieux prix Sakharov. "Elle n'a rien fait. Les ennemis de l'islam lui ont décerné ce prix car elle a abandonné la religion musulmane pour se convertir à la laïcité", a déclaré Shahidullah Shahid, porte-parole des talibans pakistanais du TTP. "Elle remporte des prix car elle oeuvre contre l'islam. Les talibans vont cibler Malala, qu'elle soit aux États-Unis ou au Royaume-Uni", a ajouté ce cadre du TTP, un groupe islamiste armé en lutte depuis six ans contre les forces pakistanaises.

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