mercredi 2 juillet 2014

vendredi 11 juillet : Le fabuleux voyage de l'obélisque de la Concorde

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Comment le monument pharaonique est-il arrivé de Louxor jusqu'à Paris ? Plus que quelques jours pour découvrir la superbe exposition qui retrace cet étonnant périple.


Érection de l'obélisque de Louxor, 25 octobre 1836.
Érection de l'obélisque de Louxor, 25 octobre 1836. Musée national de la Marine/P. Dantac

Paris, 25 octobre 1836. Le ciel est couvert, mais, par chance, il ne pleut pas. Sur la place de la Concorde, près de deux cent mille Parisiens jouent des coudes pour ne rien rater du spectacle. Jusque sur les terrasses des Tuileries et sur l'avenue des Champs-Élysées, la foule se presse. À 11 h 30, juché sur un piédestal, l'ingénieur Apollinaire Lebas donne enfin l'ordre tant attendu. Au son du clairon, les trois cent cinquante artilleurs amorcent leur marche circulaire et cadencée autour des dix cabestans de l'appareil de levage. Les centaines de musiciens massés près du ministère de la Marine, à l'angle de la rue Saint-Florentin, cessent subitement d'interpréter Les Mystères d'Isis de Mozart et rangent leurs archets. Chacun retient son souffle et se hausse sur la pointe des pieds pour ne pas en perdre une miette. Dans un silence religieux, on voit tout doucement apparaître la pointe du monolithe. Puis, le monument se redresse fièrement sous les yeux ébahis du Tout-Paris. 

Tel le capitaine d'un navire, l'ingénieur Lebas reste volontairement sous le monument ; il ne doit pas survivre en cas de rupture de l'appareil. Vers midi, le succès semblant assuré, le roi Louis-Philippe, le prince et les personnalités conviées apparaissent au balcon de l'hôtel de la Marine. Puis l'opération s'achève. Le bois craque, les boulons grincent, les câbles se tendent à l'extrême... Aux alentours de 14 h 30, l'obélisque reposant entièrement sur son piédestal, le drapeau national est fièrement hissé au sommet du monolithe. De son balcon, Louis-Philippe donne le signal tant attendu des applaudissements. C'est une ovation. Aujourd'hui, on est bien plus happés par le trafic fourmillant de la place de la Concorde que par l'histoire de son monolithe pharaonique. Et pourtant... À l'aube du XIXe siècle, transporter près de deux cent trente tonnes de granit rose de Louxor jusqu'à Paris constitua une véritable épopée. C'est ce voyage extraordinaire de sept ans et de près de 9 000 kilomètres que retrace l'exposition du musée national de la Marine, au Trocadéro, à l'aide de centaines de documents, de lettres, d'objets, de maquettes et de gravures.

Un navire sur mesure
Tout commence en 1829, lorsque le vice-roi d'Égypte Méhémet-Ali propose de faire don à la France de deux obélisques d'Alexandrie. L'égyptologue Jean-François Champollion fait alors la fine bouche. Plutôt que de prendre les obélisques proposés, il exhorte le gouvernement français à porter son dévolu sur ceux du temple de Louxor, deux monuments édifiés sous le règne de Ramsès II, au XIIIe siècle avant Jésus-Christ. Certes mieux conservés, certes plus prestigieux... Mais situées à 700 kilomètres en amont de l'embouchure du Nil ! Le gouvernement égyptien finit par donner son feu vert. Dans les mois qui suivent, la marine écarte divers projets de transport par radeau et fait voter un budget initial par le Parlement. Un navire de transport étonnant, le Luxor, est alors construit sur mesure à Toulon. Parallèlement, les opérations liées au voyage de l'obélisque sont confiées à l'ingénieur du génie maritime Apollinaire Lebas, le lieutenant de vaisseau Raymond de Verninac-Saint-Maur et son second, Léon de Joannis, assurant le commandement du Luxor. Le bateau quitte Toulon en avril 1831 avec, à son bord, cent vingt et un passagers et plusieurs tonnes de matériel.
Arrivé en août à Louxor, l'équipage doit faire face à une épidémie de choléra. Les choses se compliquent aussi du côté de l'obélisque : la colonne présente une fissure de huit mètres à partir de la base. Enrobé dans un coffrage de protection en bois, le monolithe va être descendu en deux mouvements le 31 octobre, au moyen de deux appareils actionnés par deux cents hommes. Il faut ensuite construire un glissoir en bois pour permettre le halage de l'obélisque jusqu'au Luxor. Le 19 décembre 1831, l'embarquement de l'obélisque est effectué en deux heures par quarante-huit hommes actionnant quatre cabestans. Il faut alors attendre la crue du Nil - quelques mois - pour procéder à l'appareillage. Le 2 janvier 1833, le bateau arrive à Alexandrie, après avoir attendu plusieurs semaines qu'un coup de mer fasse augmenter le niveau d'eau au-dessus de la barre de sable de Rosette.
Où va-t-on placer l'obélisque ?
Finalement, le Luxor, remorqué par le Sphinx, se met en route le 1er avril pour Toulon, où il finit par arriver le 10 mai après deux escales, à Rhodes et à Corfou. À l'issue de sa quarantaine à Toulon, l'expédition reprend sa route, via Gibraltar et La Corogne, et atteint Cherbourg le 12 août. Elle y reçoit, le 2 septembre, la visite du roi Louis-Philippe. Enfin, le 12 septembre, toujours remorqué, le navire part pour Le Havre, où le petit vapeur civil la Héva conduit le Luxor en deux jours jusqu'à Rouen. Démâté, rasé et allégé, il quitte Rouen le 13 décembre halé par des chevaux qui doivent changer de rive suivant la configuration du cours du fleuve. Le 23 décembre 1833, deux ans et huit mois après son départ de Toulon, le Luxor est enfin amarré au pont de la Concorde à Paris.
Mais l'ultime question n'est toujours pas résolue et se transforme vite en débat national : où va-t-on placer l'obélisque dans Paris ? On fait alors construire par des décorateurs de théâtre deux obélisques grandeur nature en carton-pâte aux Invalides et place de la Concorde. Et chacun y va de son jugement, de sa préférence. Mais le roi Louis-Philippe finit par trancher : ce sera la Concorde. Le Luxor, lui, n'a pas fini sa course : pour élever le monolithe, il faut un piédestal. En juillet 1835, le voilà donc reparti dans le Finistère, remorqué par le Sphinx, pour rapporter 240 tonnes, en cinq blocs, de granit de l'Aber-Ildut. Le monolithe de Louxor n'attend plus que La Flûte enchantée pour devenir à tout jamais l'obélisque de la Concorde.

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