lundi 23 décembre 2013

Jeudi 26 décembre : quand il faut dire non !

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Bizutage : le jour où Rudy a dit non

Le Monde.fr |  • Mis à jour le 
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Selon le psychiatre et pédopsychiatre Samuel Lepastier, le bizutage "est une pratique totalement condamnable, nocive, qui n'est en rien un rituel d'initiation et qui n'a aucune valeur culturelle". | AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK
Ces témoignages sont suffisamment rares pour qu'on ne les passe pas sous silence. Rudy, jeune étudiant en première année dans une école de commerce, a accepté de raconter (sous le couvert de l'anonymat) pourquoi il a refusé de participer aux manifestations d'intégration organisées par le bureau des élèves (BDE) de son établissement.
C'était le 1er octobre. Cet après-midi-là, après la séance de présentation de l'école, de son règlement et la traditionnelle photographie de sa promotion dans la cour de l'établissement, c'est au tour du président du BDE, mégaphone à la main, de prendre le relais. La direction de l'école s'éclipse. "On nous a clairement imposé de rester. Nous devions rester assis", se souvient Rudy.
Et c'est parti pour 1 h 30 de mise en condition. Sous les applaudissements et les cris, parrains et marraines appellent chaque élève un par un et lui mettent un bracelet de couleur autour du poignet, censé définir l'équipe à laquelle il appartiendra. Impossible d'y échapper.
Quelques jours plus tard, le BDE crée un groupe rassemblant toute la promo sur Facebook. "C'est notre promo mais ce sont eux qui créent notre groupe comme pour mieux nous contrôler et nous asservir." D'ailleurs, consigne est donnée de baisser la tête lorsqu'on croise un élève de deuxième année.
PARMI LES DÉFIS, IL Y A ÉVIDEMMENT ALCOOL ET JEUX SEXUELS
C'est à ce moment-là que la liste des défis tombe. Les consignes sont claires : sur clé USB, la réalisation de chaque défi doit être prouvée, photo ou vidéo à l'appui, auprès d'un membre du BDE ou d'un chef d'équipe, avant le lundi 21 octobre à minuit. Le port des bracelets est obligatoire jusqu'au 24 octobre minuit. En cas de perte, il est retiré cinq points sur la note finale. Rudy avait enlevé le sien dès le lendemain.
Dresser les nouveaux venus au prétexte que cela soude un groupe pour les années de scolarité et même parfois pour la vie, a la vie dure. Parmi les défis, il y a évidemment alcool et jeux sexuels : boire cinq shooters de suite rapporte 10 points ; montrer au moins deux paires de fesses sur une des places de la ville : 15 points de jour (10 points de nuit) ; faire un strip-tease dans la rue : 10 points (+ 5 points si c'est sur une musique sensuelle) ; faire "frotteman", se frotter contre quelqu'un, avec un inconnu : 20 points. D'autres défis ressemblent plus à des jeux inoffensifs : gober un maximum de Flanby, mettre le plus de Chamallows possible dans sa bouche. Mais... ils ne rapportent que 5 points. Fin octobre, une soirée dans un bar de la ville est prévue pour faire les comptes de chaque équipe. Point d'orgue de cette intégration.
LE DÉBUT DES REPRÉSAILLES
Rudy échange avec ses "amis" sur Facebook et explique pourquoi il ne souhaite pas participer à ce genre de festivités. "Evidemment, les membres du BDE disent toujours que ce n'est pas obligatoire et prennent soin de parler d'intégration plutôt que de bizutage. Mais en fait, il est impossible de passer outre. D'ailleurs, certaines filles n'avaient pas envie de participer mais elles avaient peur de dire non." Sur le réseau social, Rudy souligne le ridicule de ces mises en scène. Et fait clairement savoir que ce sera sans lui.
Les représailles commencent. "J'ai reçu des menaces. On m'a dit : 'On va t'obliger à boire et tu termineras dans une poubelle'. Sur Facebook, les élèves de deuxième année cherchaient à me décrédibiliser afin que je ne m'intègre pas dans ma promotion et pour que je passe pour le pire des crétins."
Une stigmatisation si difficile à vivre pour Rudy qu'il en vient même à avoir des pensées suicidaires, mais il tient bon. "Je venais le matin à l'école et je faisais comme si de rien n'était. Mon objectif était de ne rien laisser paraître. Mais à l'intérieur, c'était très dur." Certains copains de sa promotion lui ont envoyé des SMS de soutien. Rudy appréciait, sachant combien ils avaient peur. 
Le jeune garçon a fini par alerter le Comité national contre le bizutage (CNCB), qui a averti à son tour le ministère de l'enseignement supérieur. Le cabinet de la ministre, Geneviève Fioraso, est immédiatement intervenu auprès de la direction de l'école, "très coopérative et réactive", selon l'entourage de la ministre. La période d'intégration et la soirée finale ont été annulées. Le BDE a été dissout. Une vingtaine d'élèves doivent passer en conseil de discipline.

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