mercredi 13 août 2014

jeudi 14 août : la Corée du Sud et l'économie de la connaissance

http://mobile.lepoint.fr/invites-du-point/idriss-j-aberkane/idriss-j-aberkane-la-coree-du-sud-et-l-economie-de-la-connaissance-08-08-2014-1852371_2308.php

La Corée du Sud et l'économie de la connaissance

Gangnam, le quartier high-tech, commercial et branché de Séoul, où siège notamment Samsung, est le visage du "miracle sur la rivière Han".

La secrétaire d'État française d'origine coréenne, Fleur Pellerin, dans le quartier de Gangnam, à Séoul.
La secrétaire d'État française d'origine coréenne, Fleur Pellerin, dans le quartier de Gangnam, à Séoul. JUNG YEON-JE / AFP
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La République de Corée exporte davantage que la Fédération de Russie, avec trois fois moins d'habitants et 171 fois moins de territoire... Tout à l'économie de la connaissance, à laquelle elle a dédié un temps un ministère entier. Son industrialisation a été une des plus rapides au monde et, de 1995 à 2015, le volume de ses exports aura été multiplié par cinq ! Dépassant celui de laFrance pourtant un tiers plus peuplée et 6,4 fois plus vaste en métropole... Aujourd'hui, le grand thé matcha au lait vaut 6 000 won (six dollars) à Gangnam. Il y a des signes qui ne trompent pas.

À ma connaissance, tous les pays qui se sont industrialisés à marche forcée ont un système éducatif psychologiquement ultraviolent. La France, la Corée, le Japon, la Chine..., l'éducation y est définie par l'État pour servir la cause économique nationale. Vous ne vous formez pas, on vous forme. D'ailleurs, on vous oriente, et si l'État a décidé que vous n'aviez rien à faire dans une école, il est encore très mal vu d'insister... Du coup, à Séoul, l'examen d'entrée aux grandes universités se fait en une fois. Résultat : à vie. La veille des épreuves, des parents se rassemblent pour prier pour leurs enfants. C'est un monde où le secteur économique et l'État savent pourquoi vous vous levez le matin. Vous, sans doute un peu moins : la Corée est un des champions du monde du taux de suicides aux dix mille habitants ; c'est au Bhoutan que l'on a créé le concept de bonheur national brut, pas à Séoul ni à Tokyo, Taipei, Pékin, ou Paris du reste.

Luxe, anachronisme et pornographie
Comme à peu près partout en Asie, en Corée, Paris est associée au luxe, au romantisme et au bon pain. Paris Baguette, Paris Croissant, Tous les jours sont des enseignes de café particulièrement bien pensées qui mènent la vie dure à Starbucks. On y sert aussi bien des tartines (en français dans le texte) que le patbingsu, la neige au sirop qui a tant de succès en Asie. Bien sûr, aucune n'est française. Gangnam est un des quartiers avec la plus forte concentration de coffee shops au monde (j'écris cet article depuis l'un d'eux). De quoi donner des idées à Michel et Augustin.
Un bien étrange anachronisme est la bibliothèque publique de Gangnam, qui illustre à quel point le pays, qui porte l'harmonie des contraires sur son drapeau, cultive encore les paradoxes. À dix minutes du siège de Samsung, on est surpris de découvrir une bâtisse façon école publique des années 1980, particulièrement austère et studieuse et dont les ordinateurs ont trois générations de retard... À Gangnam comme ailleurs, on ne va à la bibliothèque que quand on ne peut pas faire autrement.

Car autrement, la Corée du Sud brille par ses autoroutes de l'information : la meilleure connectivité 4G, et bientôt 5G, au monde. La pornographie y est évidemment interdite - comme Park Kyungsin en 2011, essayez de poster L'Origine du monde de Courbet sur un blog et vous comprendrez pourquoi début 2014 The Economist affirmait que "la Corée est un dinosaure de l'Internet" -, et ce, malgré une industrie de la prostitution qui pèse plus de 4 % du PIB de l'aveu même du gouvernement. Plus d'une Coréenne sur trente aurait déjà délivré un service sexuel tarifé, selon l'Association féministe de Corée.

Hégémonie asiatique
Un pays a l'âge de ses artères et c'est à ses infrastructures que la Corée doit son dynamisme. Propre, fiable, vaste et bien sûr entièrement climatisé, le métro de Séoul est à l'image des nouveaux réseaux urbains asiatiques : il donne un impitoyable coup de vieux au métro parisien, qui a deux générations de retard par rapport à lui (imaginez la totalité des lignes parisiennes meilleures que la ligne 14, RER compris... Ce présent séoulien, Paris n'en parlera pas avant 2035, et encore). Taipei et Shanghai aussi ont un métro absolument exemplaire, infiniment plus fiable, confortable et équipé que le parisien.
Alors, certes, il y a déjà eu des crises en Asie, et il y en aura d'autres, mais ce qui me frappait déjà à Shanghai et qui frappe aussi à Séoul, c'est qu'économiquement on n'y a pas même encore passé la seconde... Le génial orientaliste et espion Richard Francis Burton écrivait : "Tu sais, la Terre change ses pôles." Et il ne fait aucun doute, vu d'ici, que, moyennant suffisamment de recul historique sur les crises décennales, la succession à l'hégémonie économique et culturelle nord-américaine est asiatique... Il y a un vrai présage à ce que même le très effacé Ban Ki-moon occupe le siège de secrétaire général des Nations unies.


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